27 juin 2014. Méaudre, Vercors.  Exercice régional de speleo-secours. Récit forcément subjectif.

Voici les grandes lignes du scénario, telles qu'elles ont été communiquées à tous les partitcipants :

• 3h45 :la 3SI (Société de Spéléo Secours de l'Isère) reçoit une alerte pour un spéléo ayant fait une chute au début du méandre François (partie Trou qui souffle), il aurait une fracture supposée au fémur
• 4h00 : le plan de secours est déclenché
• 5h00 : le PC est installé à la salle des fêtes de Méaudre
• 5h30 : les premières équipes de secours (Nicola, Radio surface, Médical, Equipement) arrivent sur site et sont engagées
• 7h00 : une équipe de plongeurs partie plonger les siphons François Nord, (partie Saints de glace) rencontre un problème après le passage de la 1ère voute mouillante. Un spéléo remonte donner l'alerte. Il découvre le PCA déjà installé pour le secours au Méandre François et donne l'alerte
• 8h00 : l'équipe secours plongée arrive sur site ainsi que d'autres équipes pour équiper les Saints de glace.

Le scénario riche : deux victimes dont une post-siphon, grande variété d'obstacles à franchir (méandres étroits, puits de différents gabarits, galeries entrecoupées de marmites de géants... ). Ça promet.  Je me prépare psychologiquement depuis longtemps et suis impatient d'y être.

Arrivée sur place, à Méaudre, vers 8h30. Je me présente au PC pour enregistrement. Commence l'attente d'être assigné sur une mission... Une équipe médicale est rentrée vers 7h sous terre pour rejoindre une des victimes, une autre est partie installer un pc communication par TPS* à la salle Hydrokarst (-226), point de passage obligé pour l'évacuation et d'autres travaillent déjà pour poser du fil téléphonique jusqu'à la salle Hydrokarst ou équiper les passages clés en vue de l'évacuation. En tout, une dizaine d'équipes sont déjà engagées.

Je n'ai pas à attendre très longtemps : à 9h, je reçois l'ordre de me préparer pour entrer. Il faut porter le matériel pour les plongeurs. Nous serons 13 dans l'équipe, mélange de gendarmes du PGHM, de pompiers spéléos du GRIMP et de "civils". Portage pour les plongeurs, cela signifie des kits lourds et à manier avec précautions. Heureusement, on va descendre, ce ne sera pas la même limonade au retour... Le temps pour le chef d'équipe de nous briefer sur la mission, on saute dans les véhicules, direction l'entrée des Saints de Glace, voie d'accès la plus simple vers la salle Hydrokarst et le siphon éponyme, que les plongeurs doivent franchir pour rejoindre la victime. En réalité, la "victime" fait partie des plongeurs pour lesquels nous descendons le matériel. Leur mission à eux est de franchir le siphon, médicaliser la victime et la ramener du bon coté du siphon pour qu'elle soit prise en charge par les autres secouristes. Nous entrons à 10h00, environ 30 min après les plongeurs, que nous rejoignons rapidement. La descente se poursuit sans encombre, pa plupart d'entre nous connaissant bien cette cavité. il faut dire également que l'itinéraire a été parfaitement balisé par les équipes qui nous ont précédé.Nous sommes à la salle hydrokarst vers 11h30, c'est le temps de parcours normal pour y arriver. Après nous être signalés au PC, nous continuons vers le siphon dans une énorme galerie. Une partie de l'équipe reste à Hydrokarst pour installer le point chaud destiné à accueillir les victimes en attendant leur évacuation finale par les saints de glace.

Une fois les plongeurs à pied d'oeuvre, je remonte vers la salle, où je me restaure en attendant les consignes. Je passe 2h à hydrokarst à admirer ses énormes volumes, la façon dont elle est éclairée par la tente du point chaud et les dizaines de spéléos qui s'y trouvent, de passage ou en train de casser la croute avant de rejoindre leurs différents secteurs de travail. Le spectacle est magnifique. il s'en dégage une impression de sérénité et de solidarité, de rigueur et de compétence extraordinaires. La consigne arrive de nous répartir dans les autres équipes pour apporter notre aide à l'équipement. Avec Steph, un gendarme du PGHM, nous nous intégrons dans l'équipe qui travaillera juste après la Salle Hydrokarst pour préparer le franchissement des obstacles. Le premier se présente rapidement : il 'agit de poser une corde destinée à freiner la descente de la civière dans la pente d'éboulis qui débouche sur la salle. Nous laissons-là trois personnes et le matériel nécessaire, puis continuons. jusqu'à l'obstacle suivant : la trémie du soupirail. Il s'agit d'un passage entre des blocs qui donne accès à la suite du cheminement. La civière devra être portée et nous décidons d'installer deux systèmes de poulie-bloqueur qui permettront d'en faciliter la traction. Le reste de l'équipe poursuit son chemin pour aller au puits suivant, de 4 m qu'il faudra équiper d'un contrepoids*. 

Le sol de la salle du soupirail est contitué d'un éboulis qui offre une multitude de possibilités d'amarrages naturels, nous laissons donc le perfo et les tamponnoirs à l'équipe qui aménagera le puits suivant. Le travail terminé, nous les rejoignons. Ils sont en train de terminer l'équipement du puits. Le contrepoids est en place et les équipiers présents sont en train d'équiper la reprise de charge pour la sortie du puits. Nous continuons ensuite vers la difficulté suivante.

Arrivés sur place, nous trouvons le reste de l'équipe en train de reprendre une main courante. Steph fait son rapport au chef d'équipe puis continue un peu plus loin pour travailler. Pour ma part, je reste sur place et donne la main aux équipiers présents. Tom me demande ensuite de revenir avec lui au soupirail pour jeter un oeil à ce que nous avons fait. Cette fois ci, il prend un perfo. Il permettra de forer quelques trous pour ammarer les deux poulie-bloqueur installés au soupirail. Le travail terminé, nous retournons voir ce qui se passe au puits et après et rencontrons la civière qui progresse, dans sa nuée de porteurs, parmi lesquels Stéphane Kleinmann (un des CT de Savoie). Nous prenons notre tour dans le roulement jusqu'au puits de 4 m. La civière est intallée sur le contrepoids et commence à monter quand parvient l'ordre d'arréter l'évacuation en cours car l'exercice prend trop de retard. Tous les secouristes doivent donc retourner à la salle hydrokarst. Dont acte. Au sommet du puits, la "victime" est sortie de la civière et se rééquipe, pendant que je retourne au soupirail pour démonter les deux poulie-bloqueurs du soupirail et le frein de charge et ramener le matériel à hydrokarst.

Arrivé à la salle vers 20h, je retrouve Loic Tual (médecin du SSF 73) qui me dit que l'évacuation de la première victime est prévue pour débuter à 21h. il me conseille de me reposer et de manger un morceau avant la dernière partie de l'exercice. Je m'écécute en profitant du spectacle : le point chaud est illuminé de l'intérieur par les bougies qui servent à le réchauffer et diffuse une lumière rouge, les secouristes sont assemblés par petits groupes ou débouchent dans la salle en arrivant de tous les cotés. Un photographe fait quelques clichés depuis le haut de la salle. j'aimerai bien les voir un jour, ceux-là...

Vers 20h45, je propose de faire le contrepoids pour le système de contrepoids* qui servira à monter la civière en haut du puits d'accès à la salle, pendant que de nombreux sauveteurs commencent à remonter pour prendre place dans le passage de l'ascenseur, une galerie glissante, large de 50 cm à à 1m, dont la pente avoisine les 40° et qui sera  franchie en combinant portage et traction de la civière à l'aide de poulie-bloqueurs. 

21h30, la salle hydrokarst est presque desertée, tous les équipiers ,sauf ceux qui resteront derrère pour déséquiper et remonter le matériel des ateliers, sont en place dans le passage de l'ascenseur. La civière va être ammenée à la base du puits, je suis en place au sommet, longé et mes bloqueurs en place sur la corde de traction. "Civière en place, traction !", je commence à remonter sur la corde, tirant peu à peu la civière vers le haut. "Civière verticale !" je me délonge. "Traction" la descente commence, réglée par le régulateur. La civère approche, je la croise. A 5 m du sol, je fais ma conversion et passe sur descendeur. "Civière arrivée" je suis encore à 2 m du sol, que je rejoins avec mon descendeur. Une fois les pieds au sol, je donne le mou nécessaire à la corde pour que la civière puisse sortir du puits et défais mon descendeur quand elle est prise en charge par l'atelier suivant. Il ne me reste plus qu'à remonter au sommet et aller donner un coup de main dans l'ascenseur. Il est 22h.

Dans l'ascenseur, la civière progresse, tirée par les cordes, poussée, portée par les sauveteurs, sous la direction d'un chef d'équipe et la supervision du médecin. Il faudra 1h30 et les efforts conjugués de plusieurs dizaines d'équipiers se relayant pour venir à bout de ce passage qui ne fait pourtant que 40 m de dénivelé, en faisant par endroit glisser la civière sur les genoux des sauveteurs quand le sol est trop chaotique. Et ce n'était pas fini...

Le passage suivant est une galerie tortueuse, horizontale et en trou de serrure, large d'une quinzaine de cm au fond et d'un hauteur d'environ 2m, pour 50 cm de largeur dans la partie haute. la civière devra passer en haut, évidemment.

Après une petite demi-heure de pause ; le temps pour le médecin de s'assurer de la santé de la victime et, pour les sauveteurs, de se redéployer dans la partie suivante ; la civière reprend sa progression vers la surface. Je me trouve dans la queue du dispositif, le travail de notre petit groupe consistera à déséquiper et à remonter le matériel des différents ateliers.

La civière est à la moitié de la galerie quand la nouvelle tombe : l'exercice est arrété car un bulletin d'alerte orange a été diffusé par Météo-France et les pompiers affectés à notre exercice ont reçu l'ordre de se retirer pour se mettre en alerte dans leurs casernes. Ceci met fin à l'exercice et tous les sauveteurs présents doivent ressortir aussi rapidement que possible avec le matériel car on craint de fortes pluies sur le massif. Commence alors la remontée...

A mi-chemin, je croise Yann Tual qui descend pour donner un coup de main au déséquipement. Epuisé, je lui refile mon énorme kit et nous remontons ensemble en bavardant. Un peu plus loin, nous rejoignons son frère Loic. Cela me fait vraiment plaisir de voir ces visages connus... Je suis dehors vers 2h du matin. Bien fatigué, je vais m'asseoir un moment dans la tente du PCA, où je trouve encore d'autres copains spéléos de Savoie et d'ailleurs. Après quelques dizaines de minutes, je monte dans un tout-terrain rouge qui me ramène au PC, où je pourrais manger et me changer. Le parking devant le PC est maintenant quasiment désert, les pompiers ont replié tout leur matériel. Ne restent que les véhicules des participants à l'exercice alors que les premières gouttes commencent à tomber. Un bon repas et quelques heures de sommeil plus tard, je prends la route pour Chambéry. A 7h du matin, je suis chez moi.

Merci à tous les spéléos croisés pendant cet exercice pour la bonne energie qui circulait partout ce jour là et chapeau aux CT isérois pour leur ambition, merci à toutes les personnes qui ont participé, de près ou de loin. J'ai passé une journée mémorable, dans une ambiance de solidarité exceptionnelle. C'est aussi pour ce genre de moments que j'aime la spéléo...

Vous trouverez ici le compte rendu officiel de l'exercice, avec quelques photos.

* : TPS / Téléphone Par le Sol : système de communication sans fil, développé à la suite de l'accident de 1996 au Gouffre Berger, ayant couté la vie à 2 personnes. Plus d'infos : http://www.speleo-secours-francais.com/fr/moyens-humains-materiels/materiel-specifique/nicola et aussi : http://fr.wikipedia.org/wiki/Système_de_transmission_par_le_sol

Contrepoids : technique (et montage) utilisée pour faire remonter les puits à la civière : http://www.speleo-secours-francais.com/fr/cellule-de-veille-technique/techniques-utilisees/contrepoids