Trois petits tours et puis se confinent

Le 02.04.2020, par MichelR, 7 commentaires - Sortie liée : « Traversée Belledonne (3 jours) »


Traverser Belledonne en trois jours, en autonomie. D’un simple rêve visité régulièrement depuis des années, c’est devenu une vraie envie, un désir, puis un projet, une équipe, un tracé sur une carte, enfin un sac à remplir, une excitation qui monte à l’approche du départ.

Un peu d’angoisse aussi. Serai-je à la hauteur physiquement, techniquement, humainement ? Ce genre de sortie marque une saison entière. L’an dernier c’était le tour de la Meije, avec déjà Marie et Côme. Cette année c’est un nouveau voyage qui s’ouvre avec sa part d’inconnu. Certaines portions n’ont été skiées par aucun d’entre nous, il va falloir rester solidaires même et surtout dans les moments difficiles, on sait qu’il y en aura, pas forcément où on les attend.

Le programme est ambitieux, 5600m de D+ et plus de 50km à parcourir en trois jours avec un gros sac chargé de nourriture, de gaz, duvet, matelas de sol, équipements de sécurité, crampons, piolet, casque. Sans oublier tout le superflu indispensable qui pèse et qui rassure ...

Initialement prévu dans le sens classique sud-nord, nous décidons la veille du départ d’inverser notre trajet. En effet, la météo du week-end s’annonce radieuse, nous serons sur les terres des grenoblois, nombreux et morts de faim en cette saison à l'enneigement délicat. Le risque est grand d’arriver à Combe Madame samedi en fin d’après-midi et de trouver le refuge complet.

Vendredi matin, après avoir déposé une voiture à Freydières, nous voilà à la Bourgeat Noire, direction la Selle du Puy Gris. 48h auparavant, j’ai fait cette même montée avec Karine et Alex, à la journée, avec dans le sac un coupe-vent et un litre d’eau. Ce matin, c’est une toute autre histoire, le sac de 45l plein à craquer me scie les épaules, je ruisselle au bout d’un quart d’heure à peine, et je n’ai fait que 100 m sur les 2300 du jour.

Sous le refuge de l'Oulle, jamais d'avalanche dans des pentes < 30° ?

La météo ne s’est pas trompée, nous émergeons au-dessus de la mer de nuage vers 1600 m, prenons pied dans la carte postale,  l’effort devient tout de suite plus supportable. Pic des Grandes Lanches, Grand Morétan, Pointe de l’Oulle, Charmet de l’Aiguille, autant de souvenirs surgissent de ce vallon régulièrement parcouru en alpinisme ou en ski ces dernières années avec le club.

Arrivée au col de Combe Rousse sous le Puy Gris

De la Selle du Puy Gris, les premiers virages se négocient un peu fébrilement, le poids du sac rendant délicat l’équilibre sur la pente assez raide. Il n’est que 13h mais déjà la neige est très lourde dans le vallon du Tépey surchauffé.
Après une courte pause casse-croûte à la Pierre Barme, nous repartons en pleine chaleur, le nez dans les spatules pour les 700m qui mènent au col du Tépey. Triste rencontre sous la Roche Boucherin, un  chamois a déroché et s’est brisé le dos. Il se débat impuissant dans la neige, son train arrière ne répond plus. 

Le col du Tépey s’ouvre sur la Plagne Vaumard. Cette descente nous inquiétait lors de la préparation par son exposition sud-ouest, l’heure avancée à laquelle nous allions la parcourir, et les pentes très raides qui l’entourent. Bonne surprise, elle nous offrira un ski cinq étoiles sans danger manifeste, pour terminer dans le plaisir cette première journée bien physique. Le refuge de Combe Madame est complet ce vendredi soir, notre choix de ne pas y dormir le samedi s’avère pertinent.


Parés pour la première descente

Samedi matin, la mise en route, lente et silencieuse, témoigne des efforts de la veille. Chacun monte à son rythme vers le Cul du Pet puis le col de Mouchillon, sur une neige durcie par le regel nocturne. Les couteaux sont de sortie, la bise glaciale et l’austérité de l'À-pic Badon nous rappellent que l'hiver a toujours cours de temps à autres. Nous savons tous que l’étape va être particulièrement longue, cette première montée ne doit pas entamer nos forces au risque que la journée ne vire à la Bérézina. 



Surprise au col de Mouchillon, il a légèrement neigé après une nuit claire. Un vrai centimètre de poudreuse sur fond dur pas très pentu jusqu'aux lacs des Sept Laux, un pur régal. On se goinfre sans hésiter de ces virages délicieux, pas certains d’en trouver d’autres plus tard.

Hier soir au refuge, dans l’euphorie d'une première journée réussie, on s’est pris à rêver d’exploits, de rajouts par ci par là pour cocher quelques sommets ou quelques pentes raides supplémentaires. Ce matin, la réalité nous rattrape, la fatigue d'abord, et surtout une neige qui transforme incroyablement vite, alors que nous devons traverser des pentes exposées. La décision est prise d’aller au plus rapide pour ne pas se mettre inutilement en danger. Le Pic de la Belle Étoile attendra. 

La fameuse traversée sous les raides pentes Est du pic du Pin tient ses promesses inquiétantes. Il n’est pas encore midi, et déjà la neige est en train de ramollir dangereusement. Les coulées de la veille sont impressionnantes, tout est goulotté avec des dépôts gigantesques en contrebas. Le manteau neigeux est encore stable, mais pas pour bien longtemps. On ne traîne pas.

On fait une bonne pause à la cabane du pas du Pin, pensant en avoir fini pour aujourd'hui avec les difficultés techniques et les risques nivologiques. Mais voilà que s’invite un partenaire inattendu. La chaleur a créé une forte nébulosité qui vient s’accrocher sur les reliefs que nous devons parcourir. C’est d’un coup jour blanc. De promenade pépère annoncée, ça devient panade galère. La progression se fait au GPS, les heures s’allongent, on ne voit parfois pas plus loin que le bout de nos spatules, la fatigue et l’inquiétude nous gagnent.
Mais l’équipe s’est soudée en ce deuxième jour, on se raconte des blagues à deux balles, on se soutient conversion après conversion, on entre en résistance face à l’adversité de ce maudit brouillard qui nous prive du bonheur promis. La descente derrière la Roche Fendue se fait 10m par 10m, le nez sur le GPS.


Une traversée sur une neige béton qui nécessitera piolet et attention !

Col de la Mine de Fer, d’un coup plus un nuage. Le soleil inonde toute la cuvette grenobloise qui s’ouvre devnt nous, bordée de Vercors et Chartreuse. Le ciel est paré des couleurs de fin de journée. Une bonne surprise n’arrivant jamais seule, le brouillard de l’après-midi a maintenu la neige en moquette souple, nous offrant une descente délicieuse vers le refuge Jean Collet. Il est 18h30, nous sommes partis à 7h. Le refuge est pour nous seuls, très confortable et idéalement juché sur son promontoire. Nous nous laissons envahir par la douceur du soleil couchant.
Il est temps de se mettre au chaud, de faire de l’eau, de manger, de débriefer et préparer la course du lendemain. Quelle journée riche en émotions !

Contemplation à Jean Collet

Dimanche, troisième et dernier jour, "seulement" 1150 m à monter et un peu plus à descendre. Le temps est radieux, nous remontons une partie de la descente d’hier soir et bifurquons vers l’épaule Ouest du Rocher de l’Homme, pour remonter en crampons les 200m à 40°. Marie fait merveille pour rassurer Isabelle qui n’a plus pratiqué ce genre d’exercice depuis quelques années. Tout le monde est très concentré, Rui cavale devant en nous traçant un bel escalier. Enfin arrivés sur le plat sommital, Isabelle lâche la pression, exulte et nous enlace joyeusement, loin de s'imaginer que le lendemain soir, un confinement serait annoncé.


Sortie sur l'épaule Ouest du Rocher de l'Homme

Descente jusqu’au lac Blanc, remontée au col de Freydanne, et toujours personne. On aura croisé moins de dix personnes sur ces trois jours, hormis au refuge de Combe Madame. De l’intérêt de parcourir les itinéraires à rebrousse poil ! La suite est une longue glissade tranquille en terrain connu, Doménons, Crozet, Freydières.

Le retour à la civilisation se fait dans une étrange ambiance. La Gélinotte est fermée, nous confirmant les infos lues sur nos portables dès notre arrivée à la voiture. Le bar en contrebas est pourtant resté ouvert. Le temps qu’on passe commande, la maréchaussée arrive et prononce à la criée la fermeture de l’établissement avec prise d’effet immédiate. En clair, vous finissez vos bières rapidement et vous allez payer !

Difficile d'atterrir d’un tel voyage en quelques heures. On a vécu des choses si fortes qu’on s’est bien sûr donné rendez-vous dans la semaine autour d’une bière pour se raconter, encore et encore, se montrer les photos, partager toutes ces émotions qu’on n’a pas eu le temps d’échanger. 
Au lieu de ça, on plongera illico en confinement ...

Ce voyage, peut-être le dernier à ski avant la saison prochaine, restera à jamais suspendu dans mes souvenirs, je n’en atterrirai peut-être jamais.

Merci à la belle équipe.

La belle équipe (de g à d) : Marie, Côme, Rui, Michel et Isabelle




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